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André Malraux
Eugen SCHÜFFTAN
Eugen SCHÜFFTAN est né en 1893 à Breslau (ville encore allemande à l'époque, qui ne sera rattachée à la Pologne qu'en 1945). Avant ses premiers pas au cinéma, il est peintre, architecte et peintre décorateur.
Cette formation l'amène à débuter au cinéma dès 1920 en tant que décorateur, réalisateur de dessins animés ou encore superviseur d'effets spéciaux. En 1924, il réalise ainsi les effets spéciaux de Die Nibelungen, l'ambitieuse adaptation en deux parties de la légende de L'anneau des Nibelungen par Fritz Lang.
Il continue sa collaboration avec le célèbre réalisateur allemand trois années plus tard en contribuant au monument filmique qu'est Metropolis, où il mettra définitivement au point une technique qui fera sa renommée, le procédé Schüfftan, inventée conjointement avec un autre superviseur d'effets spéciaux allemand, Ernst Kunstmann. Les décors grandioses de Metropolis doivent donc beaucoup à l'ingéniosité d'Eugen Schüfftan, à l'époque très friand d'expérimentations diverses.
Le procédé Schüfftan
Testé pour la première fois par Eugen SCHÜFFTAN sur le tournage des Nibelungen, ce procédé consiste à intégrer dans une même prise de vue et à la même échelle, acteurs et/ou décors réels avec décors miniatures.
L'illusion est ainsi créée grâce à un subtil jeu de miroirs inclinés.
Cet effet spécial sera très longtemps utilisé au cinéma, avant d'être supplanté par le matte-painting.
Fort de ces expériences, il entame véritablement à partir des années 30 une carrière de directeur de la photographie, notamment sur le film de Robert Siodmak, Les hommes le dimanche, où l'on retrouve également Billy Wilder et Fred Zinnemann comme assistants-réalisateurs (soit une fine équipe qui finira par oeuvrer quelques années plus tard à Hollywood).
Eugen Schüfftan décide de partir en 1933 vers la France, afin de fuir l'Allemagne devenue nazie. Cet exil ne met pas pour autant en péril sa carrière, bien au contraire. Il rencontre et tourne avec les plus grands réalisateurs actifs en France à cette époque : Max Ophüls, René Clair, Marcel L'herbier, ... et retrouve aussi son compatriote Georg Wilhem Pabst pour le film Du haut en bas (1933).
Avec d'autres chefs opérateurs ayant tourné en Allemagne, et fuyant eux aussi le nazisme (Franz Planer, Otto Heller, Curt Courant), Schüfftan bouscule la lumière des films français, jusqu'ici très rationnaliste et mettant en avant les acteurs sous l'éclairage le plus naturel possible. Le travail de cette nouvelle vague de directeurs de la photographie accorde enfin une vraie importance aux décors, héritée du style surréaliste caractéristique des débuts du cinéma germanique.
Après avoir eu une influence majeure sur le mouvement expressioniste allemand, il éclaire à présent certains des films les plus représentatifs d'un autre mouvement historique du 7e art, le réalisme poétique français, en collaborant avec Marcel Carné, notamment sur le célèbre Le quai des brumes en 1938.
Les années 40 marquent un nouvel exil pour Eugen Schüfftan, avec l'invasion de la France par les nazis. Cette fois, il part pour les États-Unis où ses talents sont accueillis à bras ouverts. En 1947, il est même naturalisé américain, même s'il est à noter que son nom n'est pas crédité au générique de plusieurs films, souvent en raison de sa non-appartenance à l'ASC (American Society of Cinematographers).
Il revient néanmoins régulièrement en France après la guerre, entamant notamment une collaboration de plusieurs films avec Georges Franju, dont le chef d'oeuvre Les yeux sans visage (1950), et en participant aux premiers films de Jean-Pierre Mocky.
En 1962, il obtient une de ses récompenses les plus prestigieuses avec un Oscar de la Meilleure Photographie pour The Hustler (L'arnaqueur en VF) de Robert Rossen.
Après un dernier film avec Marcel Carné en 1965 (Trois chambres à Manhattan), Eugen Schüfftan s'éteint en 1977 à New-York, après avoir laissé son empreinte dans l'histoire du cinéma, et influencé de nombreux chefs opérateurs et responsables d'effets visuels.